Les tarifs facturés aux passagers ne correspondent pas au revenu réel perçu par les chauffeurs de tuk-tuk en Thaïlande. Une part importante de leurs gains quotidiens disparaît dans les frais de location du véhicule, l’essence, et parfois des commissions versées à des intermédiaires. Les montants encaissés varient fortement selon la ville, la saison touristique et les horaires, mais la majorité des conducteurs se situe en dessous du salaire moyen national. Les journées de travail dépassent souvent dix heures et ne garantissent aucune protection sociale.
Le tuk-tuk en Thaïlande : symbole populaire et gagne-pain du quotidien
Impossible d’évoquer la Thaïlande sans penser au tuk-tuk : ce tricycle pétaradant, reconnaissable entre tous, fait partie du décor urbain et du quotidien de milliers de familles. À Bangkok, ils sillonnent sans relâche les grandes avenues et les ruelles, transportant aussi bien des touristes émerveillés que des habitants pressés. Plus qu’un moyen de transport, le tuk-tuk est devenu un marqueur culturel, quelque chose d’indissociable du paysage thaïlandais.
Sur le bitume, les chauffeurs attendent en bande, parfois des heures, guettant le regard d’un potentiel client. Leur journée se construit autour d’une série d’attentes et de trajets, jamais prévisibles. L’arrivée des applications de VTC comme Grab, MuvMi ou PassApp a bouleversé la donne, imposant une concurrence directe et une pression supplémentaire. Malgré cela, de nombreux voyageurs continuent de préférer le tuk-tuk pour le caractère unique de l’expérience, attirés par l’idée de vivre la ville autrement.
Dans cet univers, chaque course devient une négociation. Le prix du tuk-tuk, toujours discuté avant de partir, ne répond à aucun barème officiel, contrairement aux taxis ou songthaews. Les chauffeurs jonglent avec les attentes de la clientèle, la pression des plateformes numériques et l’imprévisibilité du trafic. Le tuk-tuk reste ainsi un pilier du quotidien, mais aussi le reflet des mutations du secteur des transports en Thaïlande. Pour s’adapter, certains misent sur le tourisme : excursions thématiques, circuits culinaires proposés par des agences comme Bangkok Food Tours ou Expique, autant de moyens de diversifier leurs revenus et de séduire une clientèle en quête d’authenticité.
Combien un chauffeur de tuk-tuk gagne-t-il vraiment ? Les chiffres sans filtre
Le quotidien des conducteurs de tuk-tuk en Thaïlande n’a rien d’une carte postale. Loin des idées reçues, la réalité du salaire s’avère bien plus contrastée. Pour la majorité, le revenu quotidien reste inférieur à celui de la classe moyenne du pays. La rémunération varie selon la saison, le lieu d’activité et le flux touristique : elle se situe la plupart du temps entre 300 et 600 bahts par jour. Quand la fréquentation touristique est au plus haut, certains voient leur recette grimper à près de 1 000 bahts, mais dès que la demande baisse ou que la concurrence se fait plus rude, les revenus fondent rapidement.
Impossible de compter sur une stabilité. Les pourboires, parfois espérés comme un bonus, demeurent aléatoires et rarement conséquents. Ici, rien n’est garanti : chaque course fait l’objet d’une négociation, et ce sont ces discussions qui rythment la journée et permettent, ou non, d’équilibrer le budget.
Pour mieux comprendre les ordres de grandeur, voici quelques chiffres repères :
- Salaire minimum national (2024) : environ 370 bahts/jour
- Revenus quotidiens tuk-tuk (hors frais) : 300 à 600 bahts en moyenne
- Dépendance aux pourboires : marge variable et incertaine
Mais ces montants ne tiennent pas compte des frais quotidiens qui grèvent sérieusement le bénéfice : carburant, entretien, location ou remboursement du véhicule. Au final, il reste peu à la fin de la journée. Pour beaucoup, le métier ne permet pas de mettre de côté : il s’agit d’une activité où l’équilibre financier reste fragile, sans filet, loin des images de prospérité véhiculées par certains récits.
Entre revenus irréguliers et frais cachés : ce que cache le métier de chauffeur
Le métier de chauffeur de tuk-tuk en Thaïlande, c’est surtout une suite de journées à rallonge, marquées par l’incertitude. Ici, l’argent ne tombe jamais du ciel : l’activité dépend du hasard des courses et de la générosité de la clientèle. Certains jours sont fructueux, d’autres quasiment blancs. Près des lieux touristiques, quelques-uns parviennent à s’en sortir, mais dans de nombreux quartiers moins fréquentés, atteindre le salaire minimum relève du défi.
La réalité du terrain, c’est aussi cette obligation de négocier chaque course. Les commissions versées à des intermédiaires ou rabatteurs grignotent d’autant les gains. Aux frais de carburant quotidiens s’ajoutent l’entretien du véhicule et, pour beaucoup, le paiement d’une location. La marge fond à vue d’œil. Sur le plan personnel, la santé souffre : exposition à la pollution, fatigue chronique, horaires décalés qui pèsent sur la vie de famille.
Le secteur reste largement en marge du droit du travail en Thaïlande : pas de congés payés, couverture santé limitée, et rien qui ressemble à une retraite digne de ce nom. Depuis la crise du covid-19, la baisse du nombre de touristes a aggravé la précarité. Beaucoup s’endettent pour maintenir leur activité. Les plateformes VTC, synonymes de concurrence accrue, rendent la situation encore plus instable. Si certains dénoncent des surfacturations ou des arnaques, la vérité du quotidien de chauffeur, c’est surtout une lutte constante pour s’en sortir, entre routines épuisantes et incertitude quant au lendemain.
Vivre du tuk-tuk aujourd’hui : témoignages, réalités et perspectives d’avenir
Paroles de chauffeurs, regards croisés
Bangkok, tôt le matin. Somchai, la cinquantaine, reprend la route pour ce qui sera peut-être une longue journée. Deux décennies à conduire un tuk-tuk lui ont appris la prudence : « La journée commence à l’aube, parfois sans certitude de la finir avec assez pour nourrir la famille », confie-t-il. Derrière l’image pittoresque du tuk-tuk, la réalité sociale des chauffeurs reste largement méconnue. Beaucoup ne possèdent même pas leur propre véhicule : ils doivent en louer un, rognant d’autant leur revenu déjà instable.
La diversité des situations à travers la région se confirme dans plusieurs contextes :
- À Siem Reap, dans le centre du Cambodge, la situation n’est guère différente.
- Sur l’île de Koh Samui, certains chauffeurs s’organisent en coopératives pour affronter la concurrence des VTC.
Les applications comme Grab et MuvMi ont rebattu les cartes. Les plus jeunes s’y adaptent, misant sur la technologie pour ne pas rester à la traîne, mais le fossé se creuse avec les conducteurs plus âgés. Alors que l’économie thaïlandaise se transforme, le tuk-tuk reste pour beaucoup la seule option viable, loin des opportunités offertes par d’autres secteurs.
Selon la Banque mondiale, le secteur du tourisme, frappé de plein fouet par la pandémie, se relève lentement et rien ne garantit que le niveau de vie des chauffeurs s’améliore rapidement. Fatigue, espoirs, incertitudes : les chauffeurs de tuk-tuk avancent chaque jour, au rythme des embouteillages, des négociations et d’un avenir qui se dessine, ligne par ligne, sur le bitume chauffé de Thaïlande.


